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23 janvier 2016

châtaigniers oubliés

Le châtaignier : tout d’abord, que m’évoque t-il ? L’enfance bien sûr, quand on allait aux châtaignes et qu’on les passait à la poêle le soir en rentrant, on se prenait un peu le chou, pour les décortiquer, mais c’était un bon moment, comme quand on cassait les noisettes. Le chou, justement, avec du lard, et des châtaignes, c’était un vrai régal en hiver.

Je l’ai par la suite un peu oublié, même pendant mes études forestières. C’était une essence en déclin, la roulure empêchait de produire de gros diamètres, et puis, l’encre, puis le chancre, avaient fait un carton dans tous ses territoires français de prédilection. Il restait pourtant en termes de surface, la troisième essence feuillue de notre pays.

Je le rencontrais presque par hasard, comme thème de rapport de stage à l’école forestière, où je devais traiter des plantations de pins laricios de Corse dans les Cévennes. Mais cet arbre, chargé d’histoire, finissait par devenir le sujet principal de mon étude.

Je le retrouve donc aujourd’hui avec un peu de nostalgie. Mes vingt ans de grimpeur élagueur ne m’ont pourtant pas souvent mis sur sa trace, rarement rencontré dans les parcs, ou les jardins. J’ose même dire que j’avais du mal à l’apprécier, avec ses grosses charpentières partant dans tous les sens, ses bois morts nombreux, son écorce crevassée, rugueuse. Le pauvre ne nous intéressait guère même pour son bois, peu recherché pour le chauffage et soupçonné de noircir les cheminées pour son tanin. Décidément, son heure de gloire était derrière lui.chataignier-du-burgey-2

D’où venait-il ? Comme beaucoup d’essences précédemment évoquées dans ce blog, il était déjà chez nous au tertiaire, grains de pollens retrouvés dans la région de Montpellier, mais les glaciations du quaternaire lui avaient fait la peau Dans une période plus contemporaine, on le raconte venant d’Arménie, ou de Turquie.

Et puis, il a fait son petit bonhomme de chemin à travers la Grèce et l’Italie, avant de faire son retour en France au 1er siècle après JC. Il n’est pas passé inaperçu en Grèce, où il est décrit pour la première fois, par Théophraste, grand philosophe grec, dans son « histoire des plantes » au 4eme siècle avant JC. Déjà à cette époque, le châtaignier est une source d’alimentation importante pour l’homme. De là, nos destins ne vont cesser de se croiser.

Théophraste était une tête, les domaines dans lesquels il a bossé sont trop nombreux pour être développé. On retiendra que sa grande spécialité, c’était quand même les sciences naturelles et plus particulièrement les plantes. On peut considérer que la botanique commence avec lui : distinction entre monde animal et végétal, distinction entre gymnospermes et angiospermes, répartition des plantes par catégorie. Il laisse comme trace la description morphologique des plantes, leur classification, l’influence du milieu, leur mode de reproduction, leur utilisation, enfin bref une pointure qui nous influence encore aujourd’hui.

L’importance de l’espèce fait un bond en France au 16eme siècle, période de forte croissance démographique, l’essence devenant source d’alimentation importante, jusqu’à être à la base de toute l’économie locale, comme dans les Cévennes par exemple.le-fruit-du-chataignier

Mais dès le 18eme, les signes de déclin sont déjà  là, les causes sont plutôt intéressantes :

Le châtaigner intéresse surtout les populations rurales les plus pauvres, or elles vont être très concernées par l’exode rural, encouragé par le développement de l’industrie.

 Parmentier va nous ramener la pomme de terre, qu’il commence à cultiver en 1770. Elle va se répandre au 19eme. Pourtant, Parmentier fut aussi un grand spécialiste de la châtaigne, publiant même en 1780 un « traité de la châtaigne ». Mais incontestablement, la consommation de châtaigne est à la baisse.

Au 18eme, les industries consommatrices de tanin se développent, encourageant cette fois la coupe des châtaigniers.

Rares sont les arbres ayant eu autant d’importance dans l’alimentation humaine, en dehors des fruitiers bien sûr.

L’homme justement, en même temps qu’il participait à la propagation de l’espèce, a réalisé un travail de sélection, diminuant fortement ainsi sa diversité génétique, au point de le rendre beaucoup plus sensible à des maladies, ce qui fut le cas.

Nous allons voir arriver l’encre, puis le chancre, deux champignons pathogènes, les dégâts vont être considérables. Ironie du sort, il existe probablement sur le marché aujourd’hui des plants, issus de sélection génétique, reconnus comme résistants à ces maladies. Il n’en reste pas moins que le passé nous renseigne : nous devons travailler sur des échelles de temps qui nous dépassent. Relancer « dans la nature », une espèce avec très peu de diversité génétique, c’est gênant.

Le cas de la Corse, une de nos terres de châtaignier ne manque pas de piquant, de bogue bien sûr, facile… Le 22 juin 1771, Louis XV en interdit la plantation sur l’ile de beauté. Il faut privilégier les céréales, la vigne, l’olivier, le chêne. Sur le plan agronomique, c’est une aberration, le châtaignier friand d’acidité de sol, ne pousse pas sur les mêmes terres. En fait, cette décision est politique : les châtaignes, une fois récoltées, permettent aux maquis résistants à l’armée française d’occupation de se nourrir pendant de longs mois.

Et puis, le châtaignier, bien qu’ayant conquis une bonne partie de la France, reste quand même un arbre du sud, bien présent sur tout le pourtour méditerranéen. Avoir un peu trop joué avec son écologie a valu quelques beaux retours de manivelles les années de grands froids avec des châtaigneraies anéanties certaines années, dans les Cévennes et le Limousin. Parallèlement, il est intéressant de voir que la Corse a été une des régions la moins touchée par le Chancre.

Allez le châtaignier va peut-être « se refaire ». Il se repose tranquille sur de vastes territoires oubliés, vidés par l’exode rural, peu remplis par le retour à la nature, pas complètement supplanté par les grands reboisements résineux. Une châtaigne, pour un môme d’aujourd’hui, c’est moyenâgeux, c’est long, c’est chiant, aucune chance de faire le poids contre un bonbon, ou des nuggets, et même à Noël, on ne se goinfre pas à longueur de journée de marrons glacés. Le châtaignier va sûrement encore dormir un peu, grand bien lui fasse, il l’a bien mérité.


Châtaignier-sotie-ouest-de-Zonza-Yannick-Morhan

 

Les châtaigniers et le chêne de Zonza, Corse du Sud | Les têtards arboricoles

 Lien livres perso: TheBookEdition

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