formateurs à former

Coucou ! « Cambium » est un blog qui tente (pas toujours !) de rester dans une ligne éditoriale forestière, une sorte de layon quoi, ahahah !  Aujourd’hui, reparlons de la formation des formateurs forestiers (Ah là ya forestier, ça colle !).

J’ai surement déjà évoqué dans ce blog, le projet « Forestry Edutrainer ». Ce projet européen avait comme objectif de s’attaquer au problème. Je dis « problème », le problème étant que les formateurs forestiers, visiblement partout en Europe, n’ont pas de formation spécifique pour être formateur. En fait, on peut subodorer que c’est le cas de bien des formateurs, tous secteurs professionnels confondus.

En résumé, pour être instit, formation, prof, formation, formateur technique, pas formation. En résumé toujours, OK, toi, tu sais faire des trucs, bon ben maintenant, tu montres aux autres comment faire ces trucs. Pas compliqué non ? Donc, pas formation. Rajoutons : le vent du libéralisme a soufflé aussi sur la Formation. Ça devient donc beaucoup plus simple de s’autoproclamer formateur. Hum… ça promet ! En résumé encore ! Faire « de la formation » : oui. « Faites une formation » : oui. Former des formateurs pour faire ces formations ? Non !

Donc, le projet « Edutrainer » était une bonne idée. Il a donné lieu à un « cours Edutrainer » qui se veut donc la traduction d’un programme de formation de formateurs. On y découvre que, eh bien oui ! pour être formateur, il vaudrait mieux recevoir une formation ! Nous avons pu tester ce programme avec les premiers cobayes formateurs pas formés à former. Résultat : c’est pas simple !!!  Décortiquons un peu pourquoi.

On découvre par exemple que pour bien former des personnes, il faut chercher à bien les connaître et que pour se faire, il est fort intéressant, judicieux même, de bien se connaitre soi-même. Et bien, c’est un premier écueil. Ce petit travail sur soi n’est pas facile, voire rebute…, hum…, disons presque tout le monde. On peut y voir là un réflexe de défense bien naturel. C’est une première difficulté pour le formateur de formateur.

On est tous parti, formateurs spontanés que nous sommes au départ, sans formation, dans l’impro. Bien obligé. Pour beaucoup de choses, on a cru bien faire. Mais une formation, c’est souvent un temps de remise en question. L’apport d’un autre point de vue, se regarder sous un autre angle, de la curiosité pour la nouveauté. Hum…, ça a l’air sympa tout ça, appétissant même. Seulement voilà : là encore, l’humain n’aime pas être trop bousculé. La remise en question peut s’avérer douloureuse. Qu’il est tentant de fermer les écoutilles pour ne pas subir les assauts de cette tempête intérieure pleine d’imprévus qui s’annonce. Deuxième difficulté.

Le cours « Edutrainer » aborde aussi à un moment donné la question de l’image publique et l’image de soi. J’explique. Un formateur est bien souvent face à un public. C’est un personnage public. Le « personnage » qu’il montre à son public, c’est son image publique. OK, fastoche. Dans le même temps, il a une image de lui-même, ou une image qu’il se fait de lui-même. C’est l’image de soi. Même avec la meilleure volonté, je dirais plutôt sincérité du monde, il est difficile de faire coïncider pile poil, image publique et image de soi. Il faut, en tant que formateur, avoir l’honnêteté de vouloir rapprocher le plus possible ces 2 images pour tendre vers quelque chose de simple à comprendre : l’authenticité. Elle est nécessaire car le formateur se doit d’être un référent. Un référent sans authenticité ? Hum…, de quoi voir se barrer la confiance des apprenants. Je n’ai pas confiance en mon référent ? Difficile d’apprendre, de progresser. Cultiver l’authenticité ? Troisième difficulté.

Se former pour devenir formateur ? Un petit parcours à l’intérieur de soi-même. Non, ce n’est pas forcément inné, aisé, facile, agréable. Donner envie, donner l’envie aux élèves formateurs ? Petit parcours du combattant. Au départ c’est quoi un formateur ? Un gars « qui sait » et qu’on envoie au-devant de personnes « qui ne savent pas ». De quoi très vite se gonfler la tête de certitudes. Qui aurait envie qu’on vienne lui crever son ballon ? Spontanément, le fait de se retrouver en position de supériorité (croit-on !) face aux apprenants entraine bon nombre à flirter, certains à épouser, des formes de pédagogie autoritaires. Or, tout le « cours Edutrainer » peut être considéré, en synthèse, comme un plaidoyer pour des méthodes pédagogiques non autoritaires. Allez hop, quatrième difficulté !

En tant que volontaire désigné d’office pour former mes collègues formateurs, je n’aurais boudé mon plaisir de recevoir moi-même une petite formation. Ah oui mais zut, avec quel formateur… ! Histoire sans fin ? Pas grave tant qu’on a faim, de formation !