Le frein de chaîne

Bonjour à tous !

Aujourd’hui nous allons donc repartir dans le monde merveilleux des organes de sécurité de la tronçonneuse.

Bon pas de récapitulatif de 3 heures ; C’est pas la Casa de papel ici. Allons-y direct.

Alors… tout le monde sait que, sur terre, il y a beaucoup d’inégalités.

Et bien, dans le monde pas si merveilleux que ça des organes de sécurité de la tronçonneuse, c’est pareil.

Oui, parce qu’en fait, un de ces organes domine tous les autres. Il a pris la grosse tête, c’est devenu une star. Et cet organe, c’est le frein de chaine bien sûr. Oui, mais alors, pour les néophytes me direz-vous, où est ce frein de chaine ?

Prenez votre tronçonneuse comme ceci, verticalement, même si c’est inhabituel j’en conviens. Là, je vais vous demander de penser au continent sud-américain… Imaginez ! Allez, soyez pas con! Bon allez, vous avez compris l’idée ! Imaginez…

« Mesdames messieurs, c’est votre commandement de bord qui vous parle. Nous venons de survoler le Cap Horn. Nous sommes en train de remonter toute l’Argentine. Bientôt, vous verrez le continent s’élargir, s’élargir, jusqu’à en devenir tout vert. Nous serons au Brésil, au dessus de la forêt amazonienne, enfin, on essaiera, vu ce qu’il en reste… »

Là, faites bien attention. Regardez bien autour de vous. Il est proéminent, on ne voit que lui, vous ne pouvez pas le rater. Le frein de chaine oui c’est bien lui dont on parle, c’est la cordilière des Andes de la tronçonneuse !

Bien. Alors maintenant vous venez de faire passer à un élève bucheron, l’épreuve reine par excellence de l’école de bucheronnage, c'est-à-dire : « Montrez-moi les 12 organes de sécurité de la tronçonneuse ». Bon, le gars était un génie. Il est monté dans son ULM au Cap Horn, il vous avait fait l’Argentine, le Chili, le Paraguay, l’Uruguay, le Surinam ne lui avait pas échappé. Il a amerri  tranquillement sur le canal de Panama. Et maintenant, c’est le tour de Jérémy.

Jérémy a attendu jusqu’au dernier moment, espérant jusqu’à la dernière minute une alerte au Coronavirus qui aurait, c’est un comble, pu lui sauver la vie. Mais voilà, son heure est venu. Vous le voyez s’avancer.

Au lieu de décoller tranquillement du Cap horn comme son frère, en visitant gentiment tous les pays, non, Jeremy se rue direct vers son ancre, sa bouée de sauvetage, en commençant tout de suite par le frein de chaine. Il ne se doute de rien. Il vient de faire le premier pas sur un terrain complètement miné.

Car voyez-vous, cette proéminence, ce bout de plastique avec des trous, en fait, ce n’est pas le frein de chaine, seulement la poignée qui permet de l’actionner. Le frein de chaine, lui, n’est pas visible, il est dessous, dans le carter, un ressort prêt à se refermer sur la cloche d’embrayage pour stopper net la chaine de la tronçonneuse.

Jeremy se jette tout droit dans le piège à loup en montrant désespérément juste la poignée qui permet d’actionner le frein de chaine. Et pourtant, on ne peut que donner raison à Jérémy. Jérémy a été petit, il a fait du vélo. Si on l’avait approché à cet âge-là, en lui disant :

« T’as un beau vélo Jérémy. Il est magnifique ! Et il a des freins ton vélo ? Ils sont où les freins ? »

Jérémy aurait montré spontanément les poignées de freins du vélo, pas les tampons de frein sur les roues, pas les câbles de frein qui serpentaient jusqu’aux poignées de frein. Et là, aujourd’hui, seul, Jérémy montre la poignée de commande du frein de chaine. Comble de malheur, le formateur n’a pas de rendez-vous de dentiste, il ne prononce pas la sentence magique « allez c’est bon va z y dégage ». Surtout que Jérémy, pour avoir voulu commencer par l’organe le plus connu, le plus important, en a oublié tous les autres. Il en a oublié les sages recommandations de sa maman quand il était petit et qu’elle revenait avec un assortiment de bonbon :

« Jérémy, ne commence jamais par le plus beau, le plus gros, le plus bon. »

Et voilà. Jeremy s’est ramassé la tronche dans la mousse forestière. Même si dans la forêt, il se sert de sa tronçonneuse comme un violoniste de son Stradivarius, Jérémy ne passe pas la rampe au moindre grain de sable. Une tronçonneuse, question vitesse, ça tourne peut-être plus comme un TER, que comme un TGV. Le problème, c’est que le TER, on le tient avec les deux mains, une erreur d’aiguillage et c’est le carton.

« Mais Jérémy, il va pouvoir repasser l’épreuve ? »

Mais bien sûr Paulo. Autant qu’il voudra. Tu sais nous, les formateurs, on est des acteurs de la réussite sociale maintenant. Alors, les échecs, on y remédie. On fait des remédiations ça s’appelle.

De toute façon, parlons un peu vocabulaire tout de même. Le « frein » de chaine est en fait, une appellation totalement erronée.  Arrêtons-nous un instant sur la notion de frein. Le frein, c’est quelque chose qui freine, produit un ralentissement, jusqu’à l’arrêt final. Au pire, on freine vigoureusement, on appelle ça piler. Le frein de chaine, c’est encore pire, il ne freine pas, il ne pile pas non plus ce qui sous-entendrait une distance de freinage à prendre en compte. Le frein de chaine lui ne badine pas. Il stoppe, il coince, il bloque, sans discussion, sans négociation, sans contrepartie.

Nous tenterons d’aborder d’autres organes de sécurité de la tronçonneuse dans des vidéos ultérieures, ou pas. Alors, envolons-nous pour finir vers des considérations plus générales. La tronçonneuse, avec sa vitesse de coupe de l’ordre de 70, 80, 90 km/h serait-elle un outil de mort que brandirait le bucheron tel un bourreau procédant au sacrifice de la bête végétale qui s’écroulerait de tout son long dans un vrombissement de mort ?

Hum, pas si sûr voyez-vous. L’arbre et le bucheron, c’est une rencontre, tous les deux, seuls dans les profondeurs de la forêt, chacun sachant parfaitement pourquoi il est là. L’abattage de l’arbre se doit donc d’être méticuleux, soigné, l’homme ne récoltant que ce dont il a besoin. C’est une question de respect.

Les monstruosités se passent plutôt en bas, sous nos pieds, dans cette forêt tropicale que nous survolons. Il y est question d’incendies, de broyeurs, de bulldozers. Alors, camarades, quand sera venu l’heure du déconfinement, sur le grill du barbecue, allez-y mollo sur la viande de bœuf brésilienne qui, pour sûr, ne vaudra pas tripette tant son cours se sera écroulé. 

Et en attendant, confinois, confinoises, merci de votre attention. Salutations à tous et à vos proches !