Manteau marron

Avec ce « blog », c’est clair, il y a des textes que je « publie ». Traduction : je les « mets » sur Facebook. D’’autres non. Ceux-là resteront dans les profondeurs du blog. L’image cette fois d’une malle tout au fond du grenier. Si tu parviens jusqu’à là, tant mieux, je suis ravi quand même. Tu auras bien mérité ta lecture, si toutefois je parviens à ne pas te perdre en route !  

Nous l’appellerons Marion. J’aime plutôt bien ce prénom. Je l’utilise là plus par association avec le marron, la couleur. Marron, comme la couleur de cette veste improbable, velours côtelé, élimée à souhait, tout droit venue d’une période baba cool où même les baba cools se dirigeaient d’avantage vers de la vraie couleur, péruvienne par exemple.  

Cette veste, c’était presque pour volontairement se ternir, passer inaperçue, surtout ne pas séduire, ne pas s’exposer, ne pas être exposée. Raté, plus de trente ans après, elle est toujours dans ma mémoire ! Ces handicaps de look étaient largement compensés : des qualités humaines hors du commun, gentillesse, empathie, compréhension, obsession du bien faire, et de l’énergie pour des combats comme celui de se libérer du joug d’une famille vieillissante tout droit sortie du 19eme siècle, castratrice. J’étais séduit.

« Pour aller loin, ménage ta monture ». «  Ne pas avoir les yeux plus gros que le ventre », elle qui justement avait de grands yeux. Ces conseils de grand-mères ne peuvent pas se mettre aussi facilement à la poubelle. Fragile, elle s’est fracassée sur le mur des réalités. Dans le scénario qui s’écrivait, je devenais le sauveur. Dans un premier temps ravi et toujours amoureux. Ensuite, plus efficace que ravi, et bientôt aveugle de ne pas voir le sentiment amoureux s’évaporer insidieusement. Au final, le désir de m’échapper, de fuir, malgré les trois enfants qui entretemps étaient venus accompagner notre existence.   Un jour, j’y suis parvenu. J’ai fui, et avec une autre femme de surcroit, laissant derrière moi trois enfants et une femme dépressive. Sur le papier, ça parait incroyable aujourd’hui, sauf à me ranger dans la catégorie « salaud ». Ça ne marche pas, je ne le suis pas. Couple modèle, et vingt cinq ans plus tard, le fiasco. Comment ? C’est la première question. Aujourd’hui, incompréhensible, tous les ponts rompus, plus aucun contact. C’est la deuxième question.

J’ai été tenté de mettre en cause les enfants, peu aidants dans l’histoire. Elle l’a refusé, pour les protéger, un impératif. En fait, elle avait raison. Les dés étaient jetés bien avant. « Sauveur » est le maître mot de l’histoire.

Sauveur parce qu’elle m’a demandé de l’être, dès le début. Sauveur bien volontiers par amour. Et puis Sauveur, par acquis de conscience, par obligation morale, par nécessité, et surement un mauvais jour, par orgueil, seul, pour conduire toute cette barque, et le kif de voir que j’en étais capable. Un autre mauvais jour, plus d’amour, fini, terminé, accélérant sa chute, et puis un jour, la mienne. Je me souviens du Sauveur des débuts. Invisible, le piège.   Plus aucun contact. Je suis rincé par la pension alimentaire. Je le dis. « Comment est-ce possible » ? « Toi le comptable ». Personne d’autre ne m’a fait jouer ce rôle dans ma vie. Comptable pour tenir le bateau à flot. Ses rêves venant se fracasser sur le mur de la réalité. Psychanalyse, mi-temps, année sabbatique. Il fallait tenir. Elle le sait ? Elle a l’amour de la justice pour ça. Elle ne le dit pas. Argumentation solide avec toujours sous le bras la maladie, la dépression. Malade ? Alors non coupable. Une carapace ? Une injustice.

Alors oui, ce texte mérite bien sa place, au fond du coffre tout au fond du grenier. J’espère qu’il sera le dernier de ce genre. Le manteau marron doit depuis longtemps être retourné à l’état de poussière. C’est déjà ça. Et puis avec la vie… On n’est jamais à l’abri de surprise. D’enfants qui voudront savoir, comprendre. Je referme le coffre, et je redescends, dans le salon, dans la cuisine, des pièces à vivre !