cyprès de Lambert

Côte d'Armor, derniers jours des vacances de Pâques. Je suis logé un peu au nord de Lannion, la mer est toute proche, je m'y précipite dès mon arrivée. A l'autre bout de la plage, un petit bois de conifères s'est installé, comme si, débarqués fraîchement d'un bateau, ils n'avaient pas juger utile de s'aventurer plus en avant dans les terres, le bord de mer leur conviendrait très bien.  

  Ces cyprès si emblématiques des côtes bretonnes sont des cyprès de Lambert, ou encore de Monterey. Monterey est la ville de la côte californienne dont ils sont originaires. En Europe, ils ont élu domicile dans des endroits similaires à ceux que connaissent leurs ancêtres américains: bord de mer, forte humidité atmosphérique, pluviométrie abondante, sans faire injure à la Bretagne si touristique par ailleurs.    

Dans leur histoire, il y a comme bien souvent un botaniste globe trotteur. Cette fois, il s'agit de  l'allemand Theodor Hartweg qui les ramène en Europe en 1946 pour le compte de la Royal Horticol Society. Hartweg s'est pas mal balader, Colombie, Pérou, Equateur, Guatémala, Mexique, Canada. On sait que des "cyprès de Lambert" avaient déjà pris racine sur le sol anglais antérieurement, mais qui les avaient ramenés dans ses bagages ceux-là, mystère...    

Alors pourquoi "Lambert". Aylmer Bourke Lambert était un célèbre botaniste anglais, mais le nom de ce cyprès lui a été attribué à titre honorifique car il est mort en 1842. On trouve peut-être encore plus d'infos sur Lambert que sur Hartweg, car Lambert fut un des plus grand collectionneurs de cette époque reine pour la botanique. Sa fortune personnelle lui a permis l'acquisition de spécimens provenants de 130 collectioneurs, réunissant ainsi quelques 50 000 plantes. Il connaissait tout le ghota de la botanique, accueillant volontiers à son domicile tous les confrères, voire des écrivains, souhaitant étudier sa collection, ainsi que sa monstrueuse bibliothèque. A sa mort l'herbier de Lambert a été divisé pour sa vente en 317 lots, répartis entre 16 acquéreurs différents. On  retrouve ces lots aujourd'hui répartis dans au moins 18 institutions européennes et américaines. Il y aurait pas mal d'histoires autour de l'herbier de Lambert, notamment au moment de sa dispersion, il existe même un bouquin sur le sujet, mais à priori uniquement en anglais, dommage, ça sent le super scénario...

Eh oui, il fut un temps où certains botanistes étaient des stars, autre époque...

En attendant, le cyprès de Lambert fait partie intégrante désormais de la côte bretonne, avec sa forme si particulière. Tout le monde ne peut pas répondre présent pour "tenir le coup" bord de mer, avec les tempêtes et les embruns. Un goût pour le grand large, ou alors un regard nostalgique en direction de sa mère patrie.