ça cloche

D’où me vient ce matin ce sentiment, à la fois désagréable et libérateur, comme si je déchirais une bulle dans laquelle quelqu’un m’aurait enfermé, comme si, en faisant levier avec ce qu’il me restait de lucidité, j’étais parvenu à déplacer une lourde pierre, qui me cachait le ciel, me bloquait l’accès à la surface de la terre.

Cette infime sensation, j’étais parvenu à l’effleurer, à la toucher, ou plus simplement, plus justement la sentir, avec une expression qui montait en moi, à qui j’allais donner vie, dans un réflexe ultime, une forte expiration, seule à même de traduire cette lointaine exaspération : « il y a quelque chose qui cloche ».

Oui, quelque chose « clochait », comme quand on est seul à marcher à contresens de la foule qui coule imperturbable dans l’autre sens, comme quand on se retrouve à doubler toutes les voitures au ralenti sur l’autoroute, que l’on est le seul à se rendre compte que les cloches de l’église justement ne sonnent plus, et que tout le monde s’en fout.

Le scénariste s’était surpassé, dans un thriller rondement mené, où l’allié ne se découvrait qu’à la toute dernière minute, à moins qu’il ne reste caché pour pimenter un prochain épisode, les ennemis se révélaient compatissants, enfin, plutôt insignifiants, les alliés tombaient comme des mouches ne cherchant même pas à masquer toute absence d’hésitation entre fraternité et intérêt personnel élevé au rang de religion, intérêt prenant parfois l’expression si flasque de développement personnel, mais que développaient-ils tous ?

 Souffrance, solitude, misère se devaient de rejoindre au plus vite la bouche d’égout la plus proche, se laissant d’autant moins approcher, que personne ne voulait les voir, tout cela n’était bon que pour les discours et les discussions enfiévrées, ne devenait que poussière, confronté à la dure réalité.

Curieuse expérience en vérité que l’écriture d’un livre, les indifférents confirmant leur indifférence, la curiosité donnant naissance à de belles fleurs insoupçonnées, si belles qu’elles faisaient naitre ma propre curiosité dans une réaction en chaîne sans limite, brisant les chaînes de l’immobilité, laissant le champ libre  aux petits bonheurs qui, ici et là, « au petits bonheurs la chance », voudraient se mettre à germer sur une terre qui semblait devenue si stérile. 

Comments

[coco]

Il ne faut pas gratter bien profond parfois pour trouver des petits bonheurs, mais ces petits riens dépendent beaucoup des yeux de celui ou celle qui les regarde.